Morceaux choisis : Cracker l’algorithme, de Laurent François

Nov 11, 2025 | #Inspirations | 0 commentaires

Jamais aussi connectés, et pourtant, jamais autant isolés ! Dans Cracker l’algorithme, un essai paru ce mois d’octobre 2005, le communicant spécialiste des communautés Laurent François explore la désagrégation du lien social provoquée par les réseaux, et esquisse des pistes de résistance. (Psst : tous mes articles « Morceaux choisis » sont à découvrir dans la rubrique Inspirations)

Une étude parue en octobre dans le Financial Times montre que le temps passé sur les réseaux sociaux ne cesse de baisser. De manière encore plus rapide chez les 16-24 ans (-10%).

Je crois qu’on arrive, tout bonnement, à saturation. C’est justement cette saturation que Laurent François explore dans son livre. Mais aussi les rebellions possibles pour recréer les liens sociaux mis à mal ! Voici son mode d’emploi pour cracker l’algorithme.

“Nous vivons à l’ère du lien technologique absolu. Mais ce lien, saturé de signaux, d’alertes, de notifications et de recommandations, s’épuise. Il nous relie mais nous disperse. Il nous expose, et nous fragilise. Il nous connecte, tout en nous cloisonnant. (…) L’algorithme a pris le pouvoir sur la conversation. Le contenu précède le lien. Le spectacle précède la relation”. (p. 8-9)

Les promesses non tenues d’internet

“L’abondance de parole n’a pas nourri une démocratie d’expression. Elle l’a saturée. Dans un espace où chacun est en mesure de publier à tout moment, l’attention devient la ressource rare. Résultat : les discours les plus visibles ne sont souvent pas ceux porteurs de nuance ou de vision collective, mais ceux qui polarisent, émeuvent ou choquent. L’émotion a pris le pas sur des formes de délibération”. (p. 13)

Une expérience numérique dégradée

“Les médias sociaux ont progressivement perdu leur dimension sociale au profit d’un logique médiatique et transactionnelle. L’engagement est devenu une monnaie d’échange, et non plus une conséquence naturelle des interactions humaines”. (p. 47)

“Tout ce qui faisait, autrefois, la magie des réseaux – la découverte, la conversation, la convivialité – se trouve ralenti, comprimé, appauvri”. (p. 51)

“L’interconnexion permanente masque une solitude désormais structurelle : on parle beaucoup, mais on se parle peu”. (p. 59)

“Loin d’être des terrains d’émancipation, les réseaux sociaux apparaissent comme des galeries marchandes, de tendances jetables”. (p. 98)

“Là où autrefois on valorisait les faits, aujourd’hui ce qui compte, c’est ce qu’on ressent et ce qui imprègne. (…) Les faits perdent en autorité. Ce vide est comblé par les vibes, devenues le nouveau langage commun : elles définissent des manières de (se) sentir plutôt que de savoir”. (p. 103-104)

Cracker l’algorithme et reconstruire le lien social

“Le lien social est corrompu, en mode dégradé. (…) Ce brouillard algorithmique pousse les individus à vouloir reprendre le contrôle de leurs usages numériques et des fragments de leur identité en ligne”. (p. 109)

“Ce retour à l’essentiel redonne sens à ce que les réseaux sociaux auraient dû rester : des technologies pour permettre aux gens de se parler, non de se surveiller, de se comparer ou de s”épuiser. Ce mouvement n’est pas marginal : il s’inscrit dans une contre-culture croissante où le low-tech est un geste politique, une manière de résister à l’hyperconnectivité et de réhabilité la lenteur comme espace de liberté”. (p. 125)

“C’est dans cette logique que naît l’idée de sanctuaires de conversation : des lieux physiques ou numériques conçues pour réintroduire la confiance, la nuance, l’écoute dans l’échange. (…) Des newsletters personnelles, des notes vocales échangées entre amis, des cercles Signal où l’on parle “à voix basse” : tout cela forme un tissu de lieux d’échanges ré-humanisés”. (p. 127-128)

“La conséquence la plus grave du tout-algorithmique n’est pas tant le délitement de notre attention que l’apathie généralisée : un monde où tous les contenus se valent, où les récits s’effacent, où le sens s’éteint”. (p. 149)

“Le véritable potentiel du numérique réside dans sa capacité à réveiller notre instinct de découverte, cette étincelle de curiosité qui nous pousse vers l’inattendu. (…) On parle souvent d’entraîner les intelligences artificielles pour les rendre plus précises. Je pense que ce sont nous, les humaines, qui devons nous entraîner à chercher, douter, bifurquer. À cultiver l’heuristique*”. (p. 150-151)

(* L’heuristique, du grec ancien heuriskô : “je trouve”, est l’art et la science de la découverte.)

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